PLANÈTES

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Bien avant que des satellites artificiels gravitent autour de la Terre, les chercheurs avaient compris l’intérêt que ceux-ci présenteraient pour la connaissance de l’environnement de notre planète. Les années qui ont suivi la mise en orbite du premier Spoutnik, en 1957, ont été marquées par un grand nombre de découvertes. Parmi celles-ci, la mise en évidence de l’existence autour de la Terre d’une population dense de particules chargées de haute énergie – les ceintures de Van Allen – fut sans aucun doute la plus remarquable.

Par la suite, l’exploration du système solaire est née de la volonté des scientifiques d’appliquer à l’étude de l’environnement d’autres planètes les méthodes de mesure qu’autorisaient le perfectionnement rapide des véhicules spatiaux et la maîtrise des techniques de communication à très grandes distances. Tout naturellement, la première cible a été notre satellite; il faudra attendre longtemps avant que notre connaissance des planètes atteigne le niveau de celle que nous possédons de la Lune. Le plus grand apport scientifique – et l’aspect le plus spectaculaire – des missions Apollo résulte du travail des astronautes sur le sol lunaire. Néanmoins, tout aussi riches d’enseignements scientifiques, les analyses des échantillons de roches lunaires dans des laboratoires de toutes nationalités, et leur comparaison avec les investigations effectuées sur les météorites, ont véritablement ouvert la voie à une nouvelle science, la planétologie.

Il faut ajouter que, au cours des missions soviétiques accomplies à l’aide des sondes Luna, la collecte d’échantillons lunaires fut réalisée de manière entièrement automatique. Par ailleurs, l’exploration de la Lune a été précédée par la mise en orbite autour de notre satellite d’une série de plates-formes scientifiques. On démontra ainsi que la télédétection pouvait être une excellente méthode d’analyse géologique des surfaces planétaires, une méthode dont l’efficacité a été largement confirmée au cours des missions martiennes Viking. Il n’en reste pas moins vrai que l’analyse plus fine des propriétés de la surface de Mars n’a été possible qu’à l’aide d’une station automatique posée sur le sol. Ce fut le cas également pour Vénus, qui apparaissait si mystérieuse avec son voile de nuages dissimulant sa surface. La découverte de cette planète sœur de la Terre par la taille et par la masse, mais qui s’en distingue par la température de 470 0C qui règne au sol et par son épaisse atmosphère de dioxyde de carbone, n’a pas été sans poser de problèmes aux ingénieurs, qui ont obstinément développé des appareils capables de vaincre un environnement on ne peut plus agressif. L’objectif ambitieux que constituait l’étude de son sol fut atteint par les Soviétiques: neuf stations d’atterrissage (sept Venera et deux Vega, la composante Vénus de la mission d’exploration de la comète de Halley) ont réussi à transmettre, parfois pendant plus d’une heure, des informations sur les propriétés de la surface. À l’échelle globale, c’est à partir de satellites en orbite autour de la planète et utilisant les techniques d’imagerie radar (Pioneer Venus et Magellan américains, et Venera-15 et Venera-16) que fut entreprise l’étude de la topographie vénusienne. Comme pour la Lune et pour Mars, cette étude permit de progresser dans la compréhension de l’évolution de cette autre planète tellurique. L’analyse comparative des processus géologiques qui ont modelé les surfaces planétaires mais aussi les surfaces des satellites des planètes géantes a ouvert un chapitre nouveau des sciences de la Terre.

Cette nouvelle discipline, qu’il est convenu d’appeler la planétologie comparée, s’est effectivement développée à partir de 1974, lors du passage de la sonde Pioneer-10 à proximité de Jupiter. Quelques années plus tard, les sondes Voyager exploraient les systèmes de Jupiter et de Saturne. La mission impartie à ces engins, merveilleux d’ingéniosité, n’était pas achevée: Voyager-1 continue de transmettre des informations sur les confins du système solaire, de même que Voyager-2, qui a observé le système d’Uranus en 1986 et celui de Neptune en 1989.

Le début des années 1990 a marqué ce qu’il est convenu d’appeler la fin de la première phase de l’exploration planétaire. Les connaissances acquises sur Mercure, Vénus, la Lune, Mars, les systèmes de Jupiter et de Saturne sont exposées en détail dans les articles correspondants. Les tableaux 1, 2 et 3 présentent, telles qu’elles sont connues au milieu des années 1990, les propriétés physiques des planètes, leurs caractéristiques orbitales, des informations sur leurs satellites, respectivement. On s’attachera ici aux planètes le plus récemment visitées – Uranus et Neptune – ainsi qu’au système Pluton-Charon.

1. Uranus

Près de deux fois et demie plus petite et située deux fois plus loin du Soleil que Saturne, la planète Uranus a une magnitude de l’ordre de 6, ce qui est à la limite de la détection à l’œil nu. Un observateur expérimenté peut cependant l’apercevoir par une nuit claire; elle apparaît alors comme une étoile très faible. Inconnue des Anciens, pour lesquels Saturne marquait la limite du système solaire, Uranus n’a été découvert que le 13 mars 1781 par le musicien et astronome amateur William Herschel qui, observant par hasard la constellation des Gémeaux à l’aide d’un télescope de 16 centimètres d’ouverture, remarqua un objet qui n’était pas ponctuel comme une étoile. Il crut avoir découvert une nouvelle comète, mais le calcul de son orbite révéla vite que cet objet était en fait une planète gravitant sur une orbite circulaire à plus de 3 milliards de kilomètres du Soleil. Son mouvement apparent n’avait jamais été remarqué avant sa découverte, et pourtant Uranus a été porté plusieurs fois sur des cartes du ciel entre 1690 et 1780, ce qui a été très utile par la suite pour déterminer les paramètres de son orbite. Uranus est vu depuis la Terre sous un angle de 4 secondes. Uranus apparaît donc, même à l’aide de plus gros télescopes, comme un petit disque bleu verdâtre sur lequel on ne discerne aucun détail. En 1994, cependant le télescope spatial Hubble a obtenu des images détaillées du disque de Neptune, sur lesquelles on distingue les grands traits de son atmosphère.

D’un diamètre quatre fois plus grand que celui de la Terre, Uranus est quinze fois plus massif que notre planète. Plus petit que Jupiter et Saturne, mais plus dense, il est comparable à Neptune. Comme les autres planètes géantes, Uranus est composé à 99 p. 100 d’hydrogène et d’hélium. Comme Jupiter et Saturne, il possède un système complet de satellites réguliers. Comme Jupiter, Saturne et Neptune, il possède un système d’anneaux. Sa période de rotation est égale à 17 heures 14 minutes. Contrairement aux autres planètes, l’axe de rotation d’Uranus se trouve pratiquement dans son plan orbital; le plan équatorial d’Uranus ainsi que le plan orbital de ses satellites connus sont quasi perpendiculaires au plan de son orbite autour du Soleil.

Le 24 janvier 1986, Uranus était survolé par Voyager-2. Ce qui, depuis deux cent cinq ans, n’était qu’un petit point de lumière bleuâtre s’est révélé en quelques heures un monde particulièrement riche avec un environnement d’anneaux surprenants et de satellites beaucoup plus actifs que prévu, en particulier l’étonnant petit Miranda.

L’essentiel des caractéristiques connues du système d’Uranus provient de cette brève rencontre; il faut cependant faire remarquer la parfaite complémentarité des mesures effectuées depuis la Terre et par Voyager-2. Par exemple, l’étude des anneaux depuis notre planète par l’observation d’occultations stellaires a permis d’obtenir sur leur structure des résultats que n’a pu fournir la sonde. Inversement, les petites particules détectées par la sonde au sein des anneaux sont invisibles depuis la Terre.

Sept mille images du système uranien, dont deux mille au moment du passage au plus près, des milliers de spectres dans l’infrarouge et dans l’ultraviolet, des millions de mesures radio et magnétiques ont été transmis à la Terre.

Les images ont révélé la présence de nuages, de bandes parallèles à l’équateur et de couches de brume. En particulier, le pôle qui fait actuellement face au Soleil est couvert d’une calotte de brume. Le mouvement des nuages a permis de mesurer la période de rotation de l’atmosphère d’Uranus. L’atmosphère d’Uranus tourne en sens inverse des aiguilles d’une montre et plus rapidement que l’intérieur de la planète; les vents viennent tous de l’ouest. La haute atmosphère d’Uranus tourne de manière différentielle. Contrairement à ce qui se passe sur Saturne, la rotation est plus rapide vers les pôles que vers l’équateur: la période est de 17 heures vers 25 degrés de latitude et de 16 heures vers 40 degrés de latitude.

À partir des spectres dans l’infrarouge et de l’expérience d’occultation radio par l’atmosphère, on a pu estimer l’abondance de l’hélium à environ 15 p. 100, ce qui correspond à la quantité d’hélium (mesurée par rapport à l’hydrogène) qu’on trouve dans le Soleil. Il semblerait donc que l’atmosphère, ayant la même composition que le Soleil et que la nébuleuse primitive, soit primordiale et non le fruit d’une évolution ultérieure de la planète.

Uranus a une structure interne très différente de celles de Jupiter et de Saturne. En son centre, la température serait de l’ordre de 7 000 kelvins, et la pression environ vingt millions de fois la pression atmosphérique terrestre. En partant du centre, on trouve probablement successivement un noyau «rocheux» – d’un rayon d’environ 7 500 kilomètres –, chaud, solide ou liquide, composé pour l’essentiel de silicates et de fer, puis un manteau – de plus de 10 000 kilomètres d’épaisseur – composé de glaces d’eau, de méthane, d’ammoniac, et enfin une épaisse enveloppe gazeuse d’hydrogène et d’hélium qui forme l’atmosphère observée depuis notre planète. Cette enveloppe est environ quatre fois plus massive que la Terre. L’atmosphère contient de nombreux composés mineurs comme le méthane.

La pression dans les parties centrales n’est pas assez forte pour que l’hydrogène atteigne l’état liquide et soit conducteur du courant électrique. Le fait que la densité d’Uranus soit supérieure à celle de Saturne et de Jupiter alors que sa masse est bien inférieure signifie qu’Uranus contient en son sein relativement moins d’hydrogène et d’hélium, même si l’atmosphère a, en première approximation, la même composition. Cela est probablement caractéristique des conditions qui régnaient au moment de la formation d’Uranus. Le manteau contient des éléments ionisés qui engendrent le champ magnétique d’Uranus. Contrairement à Jupiter, à Saturne et à Neptune, Uranus ne semble pas présenter de source importante d’énergie interne.

L’instrument infrarouge a aussi permis de mesurer les variations de température avec la profondeur et avec la latitude. Ces résultats étaient attendus avec intérêt, en raison de l’orientation très particulière de l’axe de rotation d’Uranus. Le pôle Nord et le pôle Sud pointent alternativement vers le Soleil au cours des 84 ans que dure une révolution autour du Soleil. Une journée ou, ce qui revient au même, une saison de 42 ans terrestres succède donc à une nuit – une saison – de 42 ans aux pôles d’Uranus, ce qui rend l’étude de sa climatologie et de la circulation dans son atmosphère particulièrement intéressante. On pouvait s’interroger sur le déroulement des saisons sur une planète dont chaque pôle est éclairé pendant 42 ans puis plongé dans l’obscurité pendant la même durée. On aurait pu s’attendre à des différences de température importantes entre le pôle éclairé depuis plus de 20 ans et le pôle obscur. Tout au contraire, la température de la haute atmosphère est presque la même aux pôles et à l’équateur, ce qui confirme la validité du modèle mis au point, un an avant la rencontre, par Bruno Bézard et Daniel Gautier, de l’Observatoire de Paris. Le pôle sombre est même légèrement plus chaud que le pôle éclairé, et la région la plus froide (d’environ 2 K) est située entre 20 degrés et 40 degrés de latitude, dans une zone que l’on qualifierait sur la Terre de tropicale: il règne là une température de l’ordre de 60 kelvins. L’amplitude des variations saisonnières aux pôles ne dépasse pas 5 kelvins. Les différences de température entre les deux hémisphères ne reflètent pas les différences d’éclairement, ce qui montre que des processus dynamiques complexes sont en jeu. On pourrait comparer Uranus à un immense réfrigérateur: de la chaleur est extraite du pôle éclairé et de l’énergie est apportée à l’équateur. La grande inertie thermique de l’atmosphère, due en grande partie à sa très basse température, limite les variations de température. Bien que moins spectaculaire d’aspect que les atmosphères de Jupiter ou de Saturne, celle d’Uranus est donc tout aussi complexe et passionnante.

Avant la rencontre avec Voyager-2, on ignorait tout sur le champ magnétique d’Uranus: le rayonnement radio de Jupiter est aisément détecté depuis la Terre; celui de Saturne avait été observé par les sondes Voyager, à une distance considérable, plus d’un an avant les rencontres; mais, dans le cas d’Uranus, le voile n’a été levé qu’au dernier moment, quelques heures avant le passage de la sonde au plus près. Une des grandes surprises de la mission Voyager-2 est venue de la découverte que l’axe du champ magnétique n’était pas plus ou moins aligné avec l’axe de rotation de la planète, mais au contraire fortement incliné, d’environ 60 degrés, par rapport à celui-ci. Le champ magnétique est intrinsèquement cinquante fois plus fort que celui de la Terre; ce qui, compte tenu de la plus grande taille d’Uranus, correspond à une intensité un peu plus faible «à la surface». Ce champ magnétique est probablement engendré par effet dynamo au sein de l’épais manteau liquide qui contient de nombreux atomes ionisés. L’existence de ce fort champ magnétique et l’interaction avec le vent solaire entraînent l’existence de zones analogues aux ceintures de Van Allen au voisinage de la Terre.

L’étude des variations des émissions radioélectriques a permis de déterminer la période de rotation du champ magnétique, qui correspond à la période de rotation de la partie interne de la planète, là où le champ magnétique est engendré. Celle-ci est de 17 heures 14 minutes, ce qui est différent des périodes de rotation de la haute atmosphère.

L’orientation inattendue du champ magnétique d’Uranus a une conséquence importante. À partir de 1984, le satellite I.U.E. (International Ultraviolet Explorer), en orbite autour de la Terre, avait détecté en observant Uranus dans l’ultraviolet des émissions de l’hydrogène atomique (raie Lyman 見) et de l’hydrogène moléculaire. Ces émissions avaient été attribuées à des aurores polaires, phénomènes déjà observés sur Terre, sur Jupiter et sur Saturne. Ces aurores sont provoquées par la précipitation dans l’atmosphère de particules électrisées le long des lignes du champ magnétique. Elles sont localisées au voisinage des pôles magnétiques et existent aussi bien de jour que de nuit. On s’attendait donc à observer de puissantes aurores confinées au voisinage des pôles. Or on s’est aperçu que la zone d’émission n’était pas confinée à une région, mais s’étendait sur tout le disque; il s’agissait en fait d’une émission d’un type déjà détecté sur Jupiter et sur Saturne, liée à l’interaction des électrons de faible énergie avec l’ionosphère et ne nécessitant pas la présence de champ magnétique. Ce phénomène, baptisé électroluminescence, ne se manifeste que du côté jour et masque toute aurore éventuelle. La découverte de l’inclinaison du champ magnétique d’Uranus a montré qu’on cherchait les aurores au mauvais endroit. Une faible aurore a été observée du côté nuit. Des aurores peuvent aussi exister du côté jour, mais elles sont noyées dans les émissions du phénomène d’électroluminescence.

La magnétosphère d’Uranus s’étend jusqu’à 18 rayons uraniens en direction du Soleil et possède évidemment une longue queue dans la direction opposée. La sonde Voyager-2 l’a parcourue en 46 heures et a découvert un environnement électromagnétique beaucoup plus étonnant que prévu. Elle a observé partout des électrons et des protons de haute énergie, mais peu d’ions lourds des éléments tels que l’hélium, le carbone ou l’oxygène. Étant donné que le vent solaire contient un grand nombre de tels ions, cela signifie que la magnétosphère d’Uranus est bien isolée du vent solaire. On trouve partout des protons d’une température cinétique de l’ordre de quelques centaines de milliers de degrés, mais les protons très énergétiques, d’une température cinétique de l’ordre de 10 millions de degrés, sont tous à l’extérieur de l’orbite de Miranda, qui agit comme un bouclier pour ces particules. Ces protons peuvent provenir des anneaux ou bien de la surface des satellites qui sont à l’intérieur de la magnétosphère, ou encore de la haute atmosphère d’Uranus.

L’atmosphère d’Uranus est à une température d’environ 50 kelvins et l’étude spectroscopique a permis d’y découvrir la présence

de méthane et d’hydrogène moléculaire. La sonde Voyager a détecté une atmosphère étendue d’hydrogène moléculaire et une couronne encore plus étendue d’hydrogène atomique.

Par le rythme de ses saisons, la dynamique complexe de son atmosphère, les processus de chauffage et les réactions chimiques dont elle est le siège, Uranus est un corps beaucoup plus différent de Jupiter ou de Saturne qu’on ne le pensait auparavant.

Les anneaux

Le 10 mars 1977, neuf anneaux étroits étaient détectés autour d’Uranus au cours de l’observation de l’occultation d’une étoile par la planète. Alors qu’on ne connaissait auparavant qu’une seule planète – Saturne – possédant un système d’anneaux, la découverte de ces anneaux puis, deux ans après, la découverte d’anneaux autour de Jupiter montraient que l’existence d’anneaux autour des planètes géantes était un phénomène commun. Comparés à leur circonférence – supérieure à 260 000 kilomètres –, les anneaux d’Uranus sont particulièrement étroits: huit d’entre eux ont moins de dix kilomètres de largeur. Trois anneaux sont circulaires, six sont elliptiques et de largeur variable. Les caractéristiques de ces anneaux sont bien illustrées par l’anneau extérieur, qui est le plus large: sa distance à Uranus varie de plus de 800 kilomètres et sa largeur varie entre 20 et 100 kilomètres, linéairement avec sa distance à Uranus.

La structure et les dimensions de ces neuf anneaux ont été déterminées depuis la Terre par la technique d’occultation stellaire: on observe une étoile au moment où Uranus passe entre elle et la Terre. Les modulations du signal lumineux provenant de l’étoile avant et après l’occultation par Uranus sont interprétées par la présence d’anneaux autour de la planète. Cette technique a permis de connaître la position et la structure des anneaux d’Uranus avec une précision de l’ordre de quelques centaines de mètres!

Les images prises par Voyager-2 ont confirmé l’existence de ces neuf anneaux étroits et à bords nets et ont permis la découverte d’anneaux supplémentaires. Deux de ces nouveaux anneaux sont situés à 45 736 et 50 040 kilomètres du centre de la planète (tabl. 4). Voyager-2 a pris des images des anneaux sous des éclairements très différents. Alors que l’angle entre la Terre, Uranus et le Soleil est toujours très petit, puisque la Terre est vingt fois plus proche du Soleil qu’Uranus, l’angle entre la sonde, Uranus et le Soleil a varié de près de 180 degrés au cours de la rencontre. On retrouve ainsi les anneaux détectés depuis la Terre sur les images prises avant la rencontre (quand la sonde avait le Soleil «dans le dos»), mais on découvre une structure bien différente sur les images prises après la rencontre (quand la sonde avait le Soleil «dans les yeux»). Dans ce dernier cas, la sonde observe la lumière diffusée vers l’avant par les petites particules d’une taille de l’ordre de la longueur d’onde de la lumière (soit moins de 1 猪m) ou même d’une taille inférieure. Ces petites particules, inobservables depuis la Terre, sont rassemblées dans un disque autour d’Uranus. Observé en lumière diffusée, ce disque présente une structure bien différente de celle des anneaux précédemment connus. Il existe même relativement peu de petites particules dans les anneaux détectés depuis la Terre.

Les informations sur les anneaux n’ont pas uniquement été recueillies par les caméras de Voyager. En observant successivement deux étoiles ( 靖 Sagittarii et 廓 Scorpii) à travers les anneaux, on a pu obtenir une résolution de moins de 10 mètres pour les anneaux 嗀 et 﨎, et d’une centaine de mètres pour les autres anneaux. Par ailleurs, en utilisant la technique d’occultation radio, c’est-à-dire en envoyant un signal radio de fréquence et de caractéristiques connues vers la Terre à travers les anneaux, on a mesuré la «difficulté» des ondes radio à traverser ceux-ci: la comparaison entre les signaux envoyés par Voyager-2 à travers les anneaux à 3,6 et à 13 centimètres de longueur d’onde permet d’avoir une bonne estimation de la distribution des tailles des particules des anneaux. Contrairement à ce qui s’était passé dans le cas des anneaux de Saturne, les signaux à 3,6 et à 13 centimètres traversent de la même manière les anneaux. Or les particules d’une dimension d’une dizaine de centimètres devraient arrêter le signal à 3,6 centimètres et laisser passer le signal à 13 centimètres. Il semble donc qu’il y ait un manque relatif de telles particules au sein des anneaux d’Uranus. Ceux-ci, moins «poussiéreux» que ceux de Saturne, seraient formés de grosses particules, contrairement aux anneaux de Saturne, qui seraient formés de plus petites particules, à moins que ces résultats ne doivent être interprétés par l’état de la surface des particules plutôt que par leurs dimensions.

La comparaison entre les images de la sonde, l’expérience d’occultation radio et les observations d’occultation d’étoile ont révélé un système d’anneaux plus riche qu’on ne le prévoyait. Les nouveaux anneaux baignent tous dans un disque de petites particules; ils sont étroits, à bords nets, et minces.

L’observation de l’occultation de 靖 Sagittarii par l’anneau extérieur 﨎 a montré une décroissance brusque du signal, correspondant à une épaisseur de l’ordre d’une vingtaine de mètres, ce qui est bien mince pour un anneau de plus de 100 000 kilomètres de diamètre.

Contrairement aux anneaux de Saturne, ceux d’Uranus sont très sombres. Les satellites d’Uranus sont couverts, eux aussi, de matériau sombre. On ne connaît pas la composition de ce matériau qui réfléchit environ 5 p. 100 de la lumière à peu près uniformément à toutes les longueurs d’onde. Le matériau plus clair trouvé sur les satellites pourrait être un mélange de ce matériau sombre et de glace d’eau. On ne sait pas si ce matériau provient de l’irradiation du méthane par des protons de grande énergie qui auraient arraché les molécules légères d’hydrogène et laissé une couche superficielle de carbone sombre ou bien s’il est formé du matériau sombre primitif qu’on retrouve dans les météorites chondrites carbonées et qui est un mélange de carbone, de minéraux opaques et de matière organique. Le premier cas impliquerait qu’il y a beaucoup de glace de méthane autour d’Uranus. Le second cas est en bon accord avec la densité relativement élevée des satellites d’Uranus.

Les satellites

Avant le passage de Voyager-2, on connaissait cinq satellites d’Uranus, qui tournent tous dans le sens direct sur des orbites quasi circulaires situées – à l’exception de Miranda – dans le plan équatorial de la planète. Ces objets sont très difficiles à voir depuis la Terre. Les deux plus gros, Titania et Obéron, ont été découverts par William Herschel en 1787; Ariel et Umbriel étaient détectés par William Lassell en 1851; le plus petit et le plus proche de la planète, Miranda, était observé pour la première fois par Gerard Kuiper en 1948. Ariel, Titania et Obéron montrent dans leur spectre des raies d’absorption caractéristiques de la glace d’eau. Ces satellites sont probablement composés d’un mélange de silicates, de glace d’eau et d’autres glaces; leur température et leur pression centrale sont trop faibles pour qu’ils possèdent un noyau en fusion.

Dix satellites nouveaux, tous situés entre Miranda et la planète, ont été décelés sur les images prises par Voyager-2. Uranus possède donc au moins quinze satellites (tabl. 5). Cela confirme bien que l’environnement des planètes géantes est beaucoup plus «encombré» que celui des planètes telluriques.

À l’instar de ceux de Jupiter et de Saturne, les cinq plus gros satellites d’Uranus se sont révélés beaucoup plus variés et complexes que prévu. En effet, les astronomes s’attendaient à trouver surtout de nombreux cratères d’impact et très peu de traces d’activité géologique sur ces petits corps glacés. C’est exactement le contraire qui a été observé. Plus on se rapproche d’Uranus, plus la richesse des phénomènes augmente pour culminer avec le petit Miranda, qui peut être considéré comme le joyau de la rencontre avec Voyager-2.

Avant cette rencontre, l’étude de ces cinq satellites se limitait à celle de leur mouvement, à la photométrie et à la spectroscopie globales. Il n’était pas question d’obtenir la moindre résolution spatiale. Les images de Voyager-2 ont permis de déterminer avec précision leur diamètre et de vérifier qu’ils présentent toujours la même face à Uranus. Il faut toutefois être prudent dans l’interprétation des résultats: Voyager-2 n’a pu observer que leur hémisphère éclairé, qui correspond à l’hémisphère Sud. Rien ne prouve que les hémisphères Nord soient semblables: aussi bien Mars que Japet présentent des différences notables entre deux hémisphères et il est possible que des traits géologiques majeurs ne soient visibles qu’au nord et aient échappé aux observations.

Les satellites des planètes géantes sont formés d’un mélange de glaces (d’eau, de méthane, d’ammoniac et de dioxyde de carbone) et de roches. Plus la densité est faible, plus la quantité relative de glaces est grande. Les satellites d’Uranus sont plus denses (de 1,3 à 1,6 au lieu de 1,0 à 1,4) que ceux de Saturne, si l’on excepte Titan; cela indique qu’ils possèdent moins de glaces et que le chauffage par la radioactivité naturelle des roches a dû être plus important au sein de ces satellites.

En général, un corps céleste (planète tellurique ou satellite) présente une activité géologique importante à sa surface quand il est suffisamment massif et possède un noyau très chaud. Les corps les plus massifs devraient avoir les surfaces les plus tourmentées; c’est le cas de la Terre et de Vénus, qui sont des corps encore actifs du point de vue géologique, tandis que Mercure et la Lune sont inertes. Le gros Ganymède montre de nombreuses traces d’activité géologique et le petit Mimas est couvert de cratères. Il y a, cependant, quelques exceptions notables à cette règle: certains petits corps (par exemple, Encelade) ont une surface complexe. Il faut alors chercher la source d’énergie de cette activité géologique. La radioactivité naturelle des roches ou encore les perturbations gravitationnelles des autres satellites sur un corps soumis aux effets de marée de la planète centrale peuvent fournir d’importantes sources d’énergie (l’exemple le plus frappant est celui de Io avec ses volcans). Quand la surface d’un corps n’est pas constamment remodelée par l’activité géologique ou l’érosion, les cicatrices du bombardement météoritique s’accumulent et les cratères d’impact recouvrent ce corps. Leur étude permet de reconstituer l’histoire du bombardement.

On pense que les gros cratères d’environ 100 kilomètres de diamètre (population I) sont dus au bombardement par des débris en orbite autour du Soleil au tout début de l’histoire du système solaire et que les petits cratères de moins de 50 à 60 kilomètres de diamètre (population II) ont été produits par des débris secondaires engendrés par des collisions à l’intérieur du système des satellites. Une troisième catégorie (population III) peut être associée aux comètes. À l’aide de modèles théoriques sur les mouvements des comètes et en extrapolant à partir de l’observation des comètes qui passent au voisinage de la Terre, on estime qu’Uranus doit «capturer» de six cents à sept cents fois plus de comètes que Jupiter et environ cent fois plus que Saturne. Il s’agit, en fait, de comètes qui avaient une orbite à longue période autour du Soleil et dont la trajectoire a été modifiée par les perturbations gravitationnelles d’Uranus en une orbite à courte période repassant régulièrement au voisinage d’Uranus. À force de repasser, certaines d’entre elles percutent les satellites d’Uranus et sont responsables d’un certain nombre de cratères observés à leur surface. Ce processus ne permet cependant pas d’expliquer tous les cratères observés à la surface des satellites d’Uranus. La plupart d’entre eux ont, en fait, été produits il y a plus de 4 milliards d’années par le bombardement de membres de la famille des planétoïdes qui ont formé Uranus et Neptune (gros cratères anciens de population I) et de petits débris en orbite autour d’Uranus (plus petits cratères de population II).

La présence d’Uranus au centre du système entraîne un bombardement d’autant plus intense qu’on est plus près de la planète. Il n’est pas impossible que les satellites intérieurs d’Uranus aient été cassés plusieurs fois par ces collisions, puis reformés. Ces collisions peuvent aussi avoir fourni le matériau qui se trouve dans les anneaux.

Obéron et Umbriel présentent une importante population de cratères d’un diamètre de l’ordre de 50 à 100 kilomètres, comme on l’observe sur les terrains les plus anciens de la Lune. Au contraire, Titania et Ariel possèdent peu de cratères de cette dimension et le nombre de petits cratères croît très rapidement lorsque leur taille diminue. On doit en déduire que les surfaces d’Obéron et d’Umbriel (qui ont gardé la trace de la population I) sont plus anciennes que celles d’Ariel et de Titiana, qui auraient été remodelées par des processus géologiques ultérieurs.

2. Neptune

Gravitant à environ 4,5 milliards de kilomètres du Soleil sur une orbite quasi circulaire, Neptune met cent soixante-cinq ans pour accomplir une révolution. Son plan équatorial est incliné de près de 30 degrés par rapport au plan de son orbite. Bien que trois fois plus petit que Jupiter, Neptune est une planète géante qui est composée à 99 p. 100 d’hydrogène et d’hélium. Avec un diamètre de 49 520 kilomètres, Neptune est à peine plus petit qu’Uranus. Cependant, sa masse est légèrement supérieure, de l’ordre de 17,2 fois celle de la Terre (contre 14,5 fois pour Uranus), ce qui lui confère la masse volumique moyenne la plus élevée des planètes géantes (1,76 g/cm3). Comme Neptune est notablement moins massif que Jupiter ou Saturne, donc moins «comprimé» par la gravité, il contient une plus grande proportion d’éléments plus lourds que l’hydrogène et l’hélium.

La découverte de Neptune eut un très grand retentissement au XIXe siècle. Elle fait date dans l’histoire des sciences car elle marque le triomphe de la mécanique céleste: le calcul permettait de découvrir un corps céleste situé à plus de 4 milliards de kilomètres de la Terre! Dès la fin du XVIIIe siècle, les astronomes eurent de la peine à accorder les observations d’Uranus avec ses positions calculées. Alexis Bouvard, astronome à l’Observatoire de Paris, fut un des premiers à remarquer les «irrégularités» du mouvement d’Uranus. Grâce en particulier à François Arago, l’idée qu’un corps inconnu perturbait son orbite se fit alors jour, et, indépendamment, l’Anglais John Couch Adams en 1843 et Urbain Jean Joseph Le Verrier en 1846 calculèrent la position et la masse de ce corps avec une précision suffisante pour permettre sa découverte dans la constellation du Verseau. La prédiction d’Adams fut peu exploitée: l’université de Cambridge ne possédait pas de cartes à jour de la constellation du Verseau, et les collègues d’Adams n’aidèrent pas beaucoup ce nouveau chercheur, qu’ils considéraient comme trop jeune pour pouvoir faire une telle prédiction. En revanche, le 23 septembre 1846, le jour même de la réception d’une lettre de Le Verrier, Johann Gottfried Galle découvrait la nouvelle planète à l’observatoire de Berlin, à moins de 1 degré de la position prédite. Par un curieux hasard de l’histoire, deux cent trente-trois ans auparavant, Neptune était angulairement proche de Jupiter pendant l’hiver de 1612 à 1613, et Galilée, observant Jupiter le 28 décembre 1612 et le 22 janvier 1613, avait fait figurer Neptune sur ses croquis, pensant qu’il s’agissait d’une étoile.

Objet de huitième magnitude, donc invisible à l’œil nu, Neptune se présente au télescope comme un disque bleu-vert d’un diamètre apparent de l’ordre de 2 secondes d’angle; on discerne très difficilement quelques marques dans son atmosphère.

Avant l’ère spatiale, deux satellites seulement étaient connus: Triton et Néréide. Par ailleurs, en observant des occultations d’étoiles par Neptune à partir d’observatoires différents, des chercheurs français et américains avaient, dès 1984 et 1985, simultanément détecté au moins deux «arcs» de matière autour de la planète.

Mais l’essentiel de nos connaissances sur Neptune, son environnement, ses satellites et ses anneaux proviennent des observations effectuées par la sonde Voyager-2 en 1989. Initialement conçue pour explorer Jupiter et Saturne, cette sonde avait été améliorée et réparée à distance afin d’aller étudier Uranus et Neptune. La découverte du monde de Neptune s’avérait toutefois très délicate pour deux raisons: les anneaux ainsi que les satellites sont intrinsèquement très sombres, et l’intensité du rayonnement solaire est neuf cents fois plus faible au niveau de l’orbite neptunienne que près de la Terre. Il n’était donc pas a priori évident de prendre des images à partir d’une sonde qui, de surcroît, devait survoler le système de Neptune, les 25 et 26 août, à plus de 27 kilomètres par seconde. Les ingénieurs ont cependant réussi à programmer les mouvements de Voyager-2 de manière à compenser l’effet de bougé pendant les prises de vue. En quelques jours, la sonde a recueilli plusieurs milliers d’images et de spectres ainsi que des millions de mesures radio, magnétiques, de flux de particules, etc. Elle a mis en évidence six nouveaux satellites, un système d’anneaux complets et a révélé la complexité de l’atmosphère neptunienne, beaucoup plus animée qu’il n’était prévu pour un corps aussi froid. La plus grande surprise a certainement été provoquée par les images de Triton, qui ont montré un satellite à l’histoire géologique complexe et présentant encore des traces d’activité.

L’existence de vents violents, la persistance de grandes structures ovales, sortes d’immenses tourbillons, ainsi que la grande variabilité de marques plus petites étaient totalement inattendues pour une atmosphère qui reçoit du Soleil vingt fois moins d’énergie que Jupiter, ou encore trois cent cinquante fois moins d’énergie que la Terre. Les grandes structures proches de l’équateur se déplacent à une vitesse de 325 mètres par seconde par rapport à l’intérieur de Neptune tandis que de petites structures se meuvent deux fois plus vite. Avec Saturne, Neptune est la planète qui connaît les vents les plus rapides du système solaire. Comme dans le cas d’Uranus et contrairement à Jupiter et à Saturne, l’atmosphère de Neptune tourne moins vite dans les zones équatoriales qu’aux latitudes élevées. La haute atmosphère présente des nuages blancs et brillants de glace de méthane au sein d’une atmosphère très claire qui surplombe une couche nuageuse contenant des glaces d’ammoniac et de sulfure d’hydrogène. Pendant les six mois d’approche de la sonde, de nombreuses structures nuageuses apparurent et disparurent en quelques heures. Toutefois, trois d’entre elles sont restées stables: la Grande Tache sombre, la Petite Tache sombre et une troisième tache plus claire surnommée le Scooter.

Les métamorphoses extrêmement rapides des nuages brillants (parfois en moins de 40 minutes) ont beaucoup intrigué les astronomes; certains ont imaginé qu’ils seraient en fait le sommet de cellules de convection verticales; en montant, le gaz se condenserait en cristaux solides dans les zones froides de l’atmosphère. D’autres pensent qu’ils correspondent aux crêtes d’ondes atmosphériques; ces crêtes seraient assez élevées et froides pour que le méthane se solidifie.

L’envoi par Voyager-2 d’ondes radio à travers l’atmosphère a permis de sonder cette dernière et de compléter les observations effectuées dans le visible, l’ultraviolet et l’infrarouge.

Comme Uranus, Neptune possède une atmosphère réductrice, riche en hydrogène (contrairement à la Terre, qui possède une atmosphère oxydante, riche en oxygène); elle contient environ 25 p. 100 d’hélium et au moins 1 p. 100 de méthane. La couleur bleue de cette planète est en grande partie due à l’absorption de la lumière rouge par le méthane. Dans la haute atmosphère, à une pression de l’ordre de quelques hectopascals, les molécules de méthane (CH4), dissociées par le rayonnement solaire, se recombinent pour former des hydrocarbures tels que l’éthane (C2H4) et l’acétylène (C2H2), qui ont été détectés par Voyager-2. Plus bas, à un niveau de l’ordre de 1 300 hectopascals, le méthane se condense en cristaux de glace. Encore plus bas, à 3 000 hectopascals, la présence d’une couche opaque de sulfure d’hydrogène (H2S) est suspectée. Il n’est pas impossible que de l’ammoniac (NH3) soit aussi présent à ce niveau. Les détecteurs infrarouges de Voyager-2 ont mesuré une température moyenne de – 214 0C (59 K). Les régions équatoriales et polaires ont approximativement la même température; les zones intermédiaires sont plus froides de quelques degrés. Là où l’éclairement du Soleil est maximal actuellement, c’est-à-dire à ces latitudes intermédiaires, le gaz monte et se refroidit, comme sur Uranus. Vers l’équateur et les pôles, il redescend, est compressé et réchauffé. Quand on fait le bilan de l’énergie renvoyée par Neptune dans l’espace, on constate que la planète émet 2,7 fois plus d’énergie qu’elle n’en reçoit du Soleil. L’origine de ce surplus d’énergie n’est pas encore élucidée.

Huit jours avant le survol de Neptune, Voyager-2 a détecté à intervalles réguliers des «bouffées» d’ondes radio, premières manifestations du champ magnétique de la planète. Comme celui-ci est engendré par des courants électriques se déplaçant à grande profondeur, les scientifiques en ont déduit une période de rotation interne égale à l’intervalle entre deux bouffées (16 h 7 min). Neptune est légèrement aplati du fait de sa rotation. Mesuré à un niveau de pression de 1 000 hectopascals (la pression au niveau de la mer sur Terre), le rayon polaire est légèrement inférieur au rayon équatorial: 24 340 et 24 764 kilomètres, respectivement.

Neptune possède une magnétosphère. L’axe du dipôle magnétique est incliné de 47 degrés par rapport à l’axe de rotation; de plus, il est décalé: la source du champ magnétique n’est pas localisée dans le noyau, mais à mi-chemin entre le centre et l’extérieur de la planète. Quand Voyager-2 a survolé Neptune, le pôle magnétique pointait à moins de 20 degrés de la direction du Soleil, et la sonde a pénétré dans la magnétosphère de Neptune par le cornet polaire, là où les particules du vent solaire peuvent s’enfoncer profondément avant d’être repoussées. C’était la première fois, à l’exception de la Terre, qu’une telle région polaire magnétique était explorée par une sonde spatiale. Ces observations sont très importantes pour mieux connaître les magnétosphères des planètes. Celle de Neptune est la plus «vide» du système solaire: le long de l’équateur magnétique, là où les particules chargées sont le plus concentrées, Voyager-2 n’a trouvé que 1,4 proton ou particule plus lourde par centimètre cube, soit trois fois moins qu’autour d’Uranus et trois mille fois moins qu’autour de Jupiter.

L’instrument ultraviolet a détecté une aurore (beaucoup plus faible que celles qui ont été observées autour des autres planètes géantes) et une légère luminescence diffuse du côté nuit de Neptune.

Les anneaux

Comme les autres planètes géantes, Neptune possède des anneaux, mais ceux-ci sont très particuliers: ils présentent en effet des arcs de matière. La découverte de ces arcs depuis la Terre grâce à l’observation d’occultations d’étoiles en 1984 et 1985 a conduit à modifier le programme de Voyager-2 afin de mieux étudier l’environnement de Neptune. La sonde a ainsi révélé que la planète était entourée d’un système complet d’anneaux ténus sertis d’arcs brillants (tabl. 6).

Les astronomes se sont longtemps demandé pourquoi Saturne semblait être la seule planète entourée d’anneaux. La mise en évidence, en une décennie, d’anneaux autour de Jupiter, d’Uranus et de Neptune a montré que ce phénomène était naturel autour des planètes géantes. Cependant, ces quatre systèmes d’anneaux sont bien différents les uns des autres: qu’il s’agisse d’anneaux, de satellites ou de planètes, le système solaire présente une stupéfiante diversité d’aspects!

L’histoire de la découverte des arcs de Neptune mérite d’être contée. Certains astronomes ont longtemps pensé que des anneaux ne pouvaient pas exister autour de cette planète du fait des perturbations gravitationnelles qui sont engendrées par les deux satellites irréguliers Triton et Néréide. Toutefois, la présence de ces satellites «anormaux» semblait au moins indiquer que l’environnement de Neptune était inhabituel. Mais il était hors de question de discerner et de photographier depuis la Terre d’éventuels anneaux, tout matériau sombre situé au voisinage immédiat d’une planète étant noyé dans la lumière de celle-ci diffusée par un télescope. Seule l’observation d’occultations d’étoiles permet de détecter ce matériau depuis le sol: lorsqu’une planète passe entre une étoile et la Terre, le rayonnement stellaire est réfracté puis absorbé par la haute atmosphère de la planète. La variation de l’indice de réfraction permet ainsi de mesurer la température de l’atmosphère à différentes profondeurs. De plus, si la planète possède des anneaux, le rayonnement lumineux de l’étoile s’affaiblit juste avant et juste après l’occultation par la planète, lorsqu’il est masqué par de la matière. C’est ainsi que les anneaux d’Uranus ont été mis en évidence. Dans le cas de Neptune, ce type d’observation est plus délicat car cette planète, plus éloignée de la Terre qu’Uranus, balaie lentement sur la voûte céleste une surface deux fois plus petite qu’Uranus. Les occultations stellaires par Neptune sont donc plus rares. Par ailleurs, les anneaux d’Uranus sont actuellement vus presque de face, tandis que ceux de Neptune sont vus pratiquement par la tranche. Toutefois, grâce à son atmosphère riche en méthane, Neptune (comme Uranus) est très sombre dans l’infrarouge, à 2,2 micromètres de longueur d’onde, et ne «pollue» pas beaucoup le signal de l’étoile qui disparaît derrière les anneaux. L’occultation d’une étoile, même peu lumineuse, peut donc être facilement observée à cette longueur d’onde. À titre d’exemple, une étoile typique cent fois moins lumineuse que Neptune dans le domaine bleu du spectre est cent fois plus lumineuse à 2,2 micromètres. Dans le premier cas, un affaiblissement de la lumière de l’étoile est quasi imperceptible; dans le second cas, il est détectable. Mais tout affaiblissement ne correspond pas forcément à la présence d’anneaux: des variations rapides de l’absorption de l’atmosphère terrestre (présence de turbulences, de vents, etc.), des erreurs de guidage du télescope, de brèves fluctuations de l’alimentation électrique ou encore le passage de nuages, d’oiseaux ou d’avions ont le même effet. On

peut cependant repérer ces interruptions parasites car elles se produisent à toutes les longueurs d’onde et ne sont observées, à un moment donné, que par un seul télescope. Il est donc nécessaire d’observer une occultation à différentes longueurs d’onde avec plusieurs télescopes. Par ailleurs, l’étoile pouvant être considérée à l’infini, l’espacement entre deux télescopes correspond à un espacement identique au niveau de Neptune. À chaque télescope correspond un trajet apparent différent de l’étoile par rapport à la planète. Plusieurs observations permettent donc de balayer l’environnement de la planète. Jusqu’à une époque récente, on considérait qu’un anneau était détecté s’il existait deux interruptions de signal correspondant aux deux intersections du trajet apparent de l’étoile et de l’anneau de chaque côté de la planète. On considère maintenant que toute détection, même unique, est significative si elle a été perçue par au moins deux télescopes, cela afin d’éliminer les parasites.

Une occultation stellaire par Neptune est observée pour la première fois le 7 avril 1968, depuis l’Australie. Dix ans plus tard, après la découverte des anneaux d’Uranus, certains astronomes prétendent avoir vu l’étoile s’«éteindre» juste avant l’occultation par la planète. Malheureusement, ce fait n’avait pas été signalé à l’époque de l’occultation et les données originales n’ont jamais été retrouvées.

La première campagne d’observation systématique des parages de Neptune débute le 10 mai 1981. Le 24 mai, deux observateurs proclament avoir détecté une occultation secondaire avec deux télescopes distants de 6 kilomètres en Arizona. On réalisera plus tard que, par un hasard étonnant, ils ont en fait observé l’occultation de l’étoile par le satellite de Neptune Larissa (1989 N2). La plus importante campagne d’observation est organisée le 15 juin 1983 dans tout le bassin du Pacifique. Mais, d’Hawaii à l’Australie, de la Chine à la Californie, personne n’observe la moindre occultation secondaire. Après cet échec, seuls quelques astronomes décident de continuer leur recherche.

Deux équipes observent l’occultation du 22 juillet 1984: une équipe française animée par André Brahic et Bruno Sicardy, à l’Observatoire européen austral, avec deux télescopes, et une équipe américaine animée par William B. Hubbard, 100 kilomètres plus au sud dans la cordillère des Andes, au Cerro Tololo Inter-American Observatory. Elles détectent toutes deux une diminution du signal de l’étoile de 35 p. 100 environ pendant 1,2 seconde, enregistrée avec 0,1 seconde d’écart entre les télescopes des deux sites. Cette occultation correspond à un objet de l’ordre de 10 kilomètres de largeur et d’au moins 100 kilomètres de longueur, situé à moins de trois rayons neptuniens du centre de la planète, dans son plan équatorial; mais il ne peut s’agir d’un anneau continu, car l’étoile n’a pas été occultée de l’autre côté de Neptune. Le même type d’observation est effectué un an plus tard, le 20 août 1985, par les mêmes astronomes. À l’observatoire Canada-France-Hawaii, André Brahic et Bruno Sicardy observent une occultation secondaire, confirmée par un autre télescope voisin appartenant à la N.A.S.A. Mais, dans la cordillère des Andes, William B. Hubbard ne perçoit aucune occultation secondaire. Cette interruption de signal d’un seul côté de la planète conduit les astronomes à conclure que l’anneau de Neptune est fragmenté et qu’un ou des «arcs» de matière gravitent autour de la planète.

Un peu auparavant, le 7 juin 1985, l’étoile occultée était en fait double et les observateurs avaient détecté une occultation secondaire (et non deux!) sans pouvoir dire laquelle des deux étoiles avait été occultée.

Entre 1981 et 1989, près d’une centaine d’occultations stellaires par Neptune ont été observées. Sept d’entre elles ont montré la présence de matériau autour de Neptune. Pour éviter une collision éventuelle entre Voyager-2 et ce matériau, le Jet Propulsion Laboratory décide d’augmenter légèrement la distance de survol de Neptune par Voyager-2. Et les images prises par la sonde du 11 au 26 août 1989 mettent en évidence les anneaux de Neptune! Cette découverte constitue une magnifique illustration de ce que peut apporter une collaboration entre des observatoires et des chercheurs de toute nationalité; elle souligne de plus la complémentarité des recherches spatiales et des observations depuis le sol.

Au moins quatre anneaux ténus entourent Neptune. Le plus externe contient trois arcs de matière plus dense s’étendant en longitude sur 4 degrés, 4 degrés et 10 degrés; ce sont eux qui sont responsables des occultations secondaires observées depuis la Terre. Les noms L, E et F ont alors été proposés pour ces arcs (pour Liberté, Égalité et Fraternité en cette année du bicentenaire de la Révolution française). Les anneaux sont si ténus qu’ils ne peuvent être observés depuis la Terre; les caméras de la sonde n’ont pu en obtenir des images que grâce aux poses les plus longues tentées au cours de cette mission (jusqu’à 600 s, sans effet de bougé, au lieu d’une fraction de seconde pour les observations des systèmes de Jupiter et de Saturne).

Il reste à comprendre comment le matériau autour de Neptune est confiné non seulement radialement (comme les anneaux minces de Saturne et d’Uranus), mais aussi azimutalement dans les arcs, qui semblent stables. L’explication réside probablement dans l’interaction de satellites proches avec ces arcs. Les satellites connus à ce jour ne suffisent cependant pas pour expliquer cette stabilité, mais les théoriciens étudient d’autres hypothèses.

Il est nécessaire de poursuivre l’observation d’occultations stellaires depuis la Terre pour surveiller l’évolution des arcs... et, avec un peu de patience, on verra se former un magnifique anneau supplémentaire, quand Triton se brisera en une multitude de petits cailloux en pénétrant dans la limite de Roche de Neptune, dans un peu moins de 100 millions d’années!

Les satellites

Avant le survol de Neptune par la sonde Voyager-2, seuls deux satellites, Triton et Néréide, étaient connus. Ils sont dits irréguliers car leurs orbites sont insolites: Triton a un mouvement rétrograde sur une orbite très inclinée par rapport au plan équatorial de Neptune, et Néréide gravite sur une orbite fortement excentrique. En 1989, les images prises par Voyager-2 ont révélé six nouveaux satellites qui forment un système régulier tournant dans le sens direct sur des orbites circulaires et peu inclinées (tabl. 7).

Triton a été découvert le 10 octobre 1846 par William Lassel, dix-sept jours seulement après la découverte de la planète elle-même. Avec un diamètre de 2 705 kilomètres, c’est l’un des plus gros satellites du système solaire. À cause des effets de marée avec Neptune (analogues à ceux qui existent entre la Terre et la Lune) et de son mouvement orbital rétrograde, Triton se rapproche inexorablement de la planète. Dans moins de 100 millions d’années, quand il ne sera plus qu’à 1 000 ou 2 000 kilomètres de Neptune, il pénétrera dans la limite de Roche de la planète et se brisera en fragments de quelques centaines de kilomètres qui subiront des collisions mutuelles: certains iront enrichir et embellir les anneaux, d’autres s’écraseront sur la planète.

Triton se présente comme un corps brillant dont la surface est géologiquement très jeune; il possède des cratères volcaniques relativement récents et une atmosphère d’azote, comme la Terre et Titan. La taille, la masse, l’atmosphère ténue et beaucoup d’autres caractéristiques de Triton rappellent fortement la seule planète qui n’a pas encore été visitée par une sonde, Pluton. Pour plusieurs décennies, Triton nous offrira probablement la meilleure «vision» de Pluton que nous puissions avoir!

L’orbite de Triton suggère que celui-ci a été capturé il y a bien longtemps par Neptune, par exemple en entrant en collision avec un satellite de Neptune qu’il a détruit au passage, ou en étant freiné par le nuage de gaz et de poussière qui entourait probablement la planète au moment de sa formation. Triton aurait ensuite gravité sur une orbite excentrique autour de Neptune. Les effets de marée auraient alors freiné son mouvement et rendu son orbite circulaire au bout de 1 milliard d’années environ. Dans ce processus d’échange d’énergie, Triton aurait été chauffé et différencié: les éléments les plus lourds seraient tombés au centre, formant un noyau rocheux, tandis que les constituants plus légers et plus volatils se seraient condensés dans le manteau et la croûte.

Les images transmises par Voyager-2 dans la nuit du 24 au 25 août 1989 ont révélé que Triton, le corps le plus froid du système solaire (– 235 0C, soit 38 K), est beaucoup plus actif qu’on ne le soupçonnait. De la taille de la Lune, Triton est loin d’être un astre mort: comme la Terre et Io, il possède des volcans actifs. Au moins quatre éruptions de type geyser (mais d’une échelle beaucoup plus grande que sur la Terre) ont été détectées sur les images prises par Voyager-2. Des colonnes de matériau sombre de quelques dizaines de mètres à 1 kilomètre de diamètre s’élèvent verticalement jusqu’à 8 kilomètres d’altitude, où elles forment des nuages sombres entraînés par les vents sur plus de 100 kilomètres. La cause de ces éruptions n’est pas encore comprise. Toutefois, leur localisation à proximité du point subsolaire suggère que la source d’énergie de ce phénomène est d’origine solaire. Un modèle fait intervenir un effet de serre sous la surface de Triton, en admettant que celle-ci a une conductivité très faible: juste sous la surface transparente, le Soleil chaufferait la glace d’azote qui, sublimée et comprimée, exploserait en entraînant des glaces et des particules sombres dans l’atmosphère. Une différence de température de 4 kelvins suffirait pour que le matériau soit éjecté à une altitude de 8 kilomètres. Chaque seconde, une dizaine de kilogrammes de poussière et quelques centaines de kilogrammes d’azote seraient ainsi projetés dans l’atmosphère. Une éruption pourrait durer au moins une année, par sublimation d’environ un dixième de kilomètre cube de glace. D’autres hypothèses ont été proposées: certains scientifiques font intervenir un chauffage d’origine interne pour expliquer la source d’énergie de ces geysers; d’autres se demandent si ces phénomènes ne seraient pas en fait purement atmosphériques, analogues aux «poussières du diable» (dust devil ) qui apparaissent sur la Terre sous des cieux clairs, là où des conditions d’instabilité conduisent à la formation de tourbillons spectaculaires: dans les zones désertiques terrestres, vers midi, quand la température du sol est supérieure à celle de l’air, des poussières peuvent en effet être entraînées par des tourbillons de vent. Cependant, il semble bien que les geysers de Triton soient de type éruptif. Ils sont toutefois fondamentalement différents de ceux qui ont été détectés sur Io.

La surface jeune et active de Triton, possédant peu de cratères d’impact, a été récemment soumise à des phases de fusion des glaces: de larges plaines et des caldeiras semblent en effet avoir été inondées par des «laves» d’eau, d’ammoniac et de méthane. La croûte de Triton contiendrait beaucoup de glace d’eau qui, à 38 kelvins, se comporte comme une roche dure.

Mesurée à partir des perturbations de la trajectoire de Voyager-2, la masse de Triton est de l’ordre de 1,3 憐 1023 kilogrammes; sa densité est de l’ordre de 2.

La pression atmosphérique à la surface est très faible, de l’ordre de 0,016 hectopascal, c’est-à-dire environ cent mille fois moins élevée qu’à la surface de la Terre. Triton posséderait une tropopause à une altitude de l’ordre de 25 à 50 kilomètres. Des molécules d’azote sont transportées du pôle Sud, actuellement éclairé par le Soleil, au pôle Nord, plongé dans l’obscurité.

Il a fallu attendre plus d’un siècle pour connaître le deuxième satellite de Neptune, Néréide, découvert en 1949 par Gerard P. Kuiper, et sur lequel on possède, encore aujourd’hui, peu d’informations car Voyager-2 est passé à 4,7 millions de kilomètres de celui-ci et n’a pu en fournir qu’une image à basse résolution.

Des six petits satellites découverts par la sonde, seuls Proteus et Despina ont pu être photographiés de manière à distinguer quelques détails de leur surface: ils semblent de forme irrégulière et couverts de cratères.

À l’exception de Triton, tous les satellites de Neptune possèdent une surface très sombre: Néréide ne renvoie dans l’espace que 14 p. 100 du rayonnement lumineux solaire, et les petits satellites environ 6 p. 100. Certains des satellites de Neptune, notamment les plus petits, pourraient représenter les fragments d’un satellite primitif de plus grande taille, brisé lors d’une collision.

3. Pluton

Même au voisinage de son périhélie, Pluton a un diamètre apparent de l’ordre de 0,2 seconde d’angle, inférieur à la limite de résolution des télescopes terrestres. Sur la plupart des plaques photographiques, il apparaît donc comme un point faiblement lumineux noyé parmi les vingt millions d’étoiles qui, sur la voûte céleste, sont au moins aussi brillantes que lui. Seul son mouvement révèle Pluton: quand on compare deux photographies du même champ d’étoiles prises, par exemple, à 24 heures d’intervalle, on constate qu’un point lumineux s’est déplacé par rapport aux étoiles du champ (au moment de l’opposition, le mouvement peut atteindre 1 seconde d’angle par jour). C’est en utilisant cette méthode de comparaison que Clyde William Tombaugh identifia Pluton.

Encouragés par le succès d’Urbain Jean Joseph Le Verrier et de John Couch Adams dans la prédiction et la découverte de Neptune, de nombreux astronomes avaient commencé, dès la fin du XIXe siècle, à chercher une neuvième planète en analysant les perturbations non encore expliquées de l’orbite d’Uranus (l’orbite de Neptune n’était alors pas connue avec suffisamment de précision pour être utilisable). En particulier, Percival Lowell et William Pickering avaient prédit au début du XXe siècle l’existence d’une planète transneptunienne. À partir de 1905, une recherche photographique fut alors entreprise, sans succès, aux observatoires Lowell (Flagstaff, Arizona) et du mont Wilson (Californie). Percival Lowell mit en place, dans son observatoire, les moyens pour entreprendre une recherche photographique intensive, mais ce ne fut qu’en 1930, quatorze ans après sa mort, qu’une neuvième planète fut découverte après une très longue et systématique recherche photographique qui couvrit une grande partie du ciel. Le 18 février 1930, Tombaugh, grâce à une nouvelle lunette à grand champ spécialement construite dans ce but, découvrait, après une année d’examen minutieux de centaines de plaques photographiques, à environ 5 degrés de la position prédite, un petit objet de magnitude 15. Comme les autres planètes, cette neuvième planète reçut un nom provenant de la mythologie grecque: Pluton (les deux premières lettres commémorent la mémoire de Percival Lowell). On pensa que l’histoire de la découverte de Neptune venait de se répéter. Des déterminations récentes de la masse de Pluton ont conduit à abandonner cette idée: cette masse est beaucoup trop faible pour perturber de façon notable les mouvements d’Uranus et de Neptune. Par ailleurs, il semble que des erreurs d’observation aient conduit à une surestimation de ces perturbations. La découverte de Pluton n’a donc pas été le résultat d’une prédiction mathématique précise, mais plutôt le fruit d’une recherche systématique. En d’autres termes, les calculs ont bien conduit à la découverte, mais ils étaient faux!

La dernière planète découverte dans le système solaire est encore bien mystérieuse, bien que les premières images montrant quelques détails de sa surface aient été publiées en 1994 et en 1995.

Cependant, plusieurs découvertes importantes ont été faites au cours des dernières décennies. En 1976, des observations spectroscopiques révèlent que la surface de Pluton est recouverte, au moins partiellement et peut-être même en totalité, de méthane gelé. En 1978, on lui découvre un satellite, Charon. Entre 1979 et 1995, le diamètre et la masse de Pluton sont correctement mesurés: avec 2 300 kilomètres de diamètre, cette planète est plus petite que la Lune et a une masse cinq cents fois plus faible que celle de la Terre. En 1988, l’observation d’une occultation d’étoile par Pluton met en évidence son atmosphère. En 1989, l’exploration de Triton par la sonde Voyager-2 nous fait découvrir un objet qui lui ressemble probablement tellement qu’on pense avoir trouvé son frère jumeau.

Pluton effectue une révolution autour du Soleil en 247,7 ans sur une trajectoire inhabituelle pour une planète: elle n’est ni circulaire ni située dans le plan de l’écliptique. L’orbite est inclinée de 17 degrés par rapport à ce plan, ce qui conduit la planète à s’élever de 1,25 milliard de kilomètres au-dessus de celui-ci, distance qui est du même ordre de grandeur que la distance Soleil-Saturne. L’excentricité de l’orbite (0,25) est de loin la plus grande de toutes les planètes. Elle est telle que, depuis 1979, Pluton est plus proche du Soleil que Neptune. En 1989, il est passé à son périhélie, et ce n’est qu’en 1999 qu’il redeviendra la planète connue la plus distante du Soleil. En 2113, Pluton passera à son aphélie: sa distance héliocentrique sera supérieure à 7,5 milliards de kilomètres.

On pourrait penser que l’orbite de Pluton coupe celle de Neptune et que les deux planètes pourraient un jour entrer en collision. En fait, il n’en est rien. Bien qu’une vue «de dessus» des orbites de Pluton et de Neptune donne l’impression qu’elles se coupent, l’orbite de Pluton est inclinée de telle manière qu’à aucun endroit les deux orbites ne sont proches l’une de l’autre. Au périhélie, Pluton est au-dessus du plan de l’orbite de Neptune d’une distance qui est supérieure au quart de la distance Neptune-Soleil. En fait, l’inclinaison de l’orbite de Pluton et son mouvement sur son orbite sont tels qu’ils laissent une marge de sécurité maximale contre les risques de collision. Pluton et Neptune ne s’approchent jamais à moins de 2,5 milliards de kilomètres l’un de l’autre, bien que les points les plus proches de leurs orbites respectives soient beaucoup moins éloignés que cela; il est intéressant de noter que cette distance minimale entre Pluton et Neptune est bien supérieure à la distance minimale entre Pluton et Uranus, qui est seulement de 1,6 milliard de kilomètres. Non seulement le périhélie de Pluton est éloigné de l’orbite de Neptune, mais les mouvements de Pluton et de Neptune sur leurs orbites sont synchronisés de telle manière que, au moment où Pluton passe au périhélie, Neptune est situé sur son orbite à plus de 60 degrés par rapport au Soleil. La période moyenne du mouvement de Pluton autour du Soleil est exactement égale à 1,5 fois celle de Neptune, ce qui signifie que tous les 495 ans (temps au bout duquel Neptune a effectué trois révolutions autour du Soleil, et Pluton deux) les deux planètes se retrouvent dans la même position relative. Au moment où Neptune, dans son mouvement sur son orbite, «dépasse» Pluton, Pluton est à l’aphélie. Ce synchronisme n’est évidemment pas accidentel; il s’agit d’un phénomène dynamique appelé «résonance stable». La résonance entre Neptune et Pluton a été découverte grâce à l’utilisation de puissants ordinateurs qui ont permis de reconstituer le mouvement de ces planètes depuis 5 millions d’années. De telles résonances stables jouent un rôle essentiel dans le mouvement des planètes et des satellites du système solaire, et elles permettent d’expliquer en grande partie la configuration actuelle des corps du système solaire; les planètes et leurs principaux satellites ont des mouvements tels qu’il n’y a aucun risque de collision entre eux. Si une petite force perturbatrice était actuellement exercée sur Pluton pour l’amener à modifier son mouvement autour du Soleil, la résonance avec Neptune la ramènerait dans l’état de résonance actuel. Si, dans un passé lointain, Pluton était sur une orbite non résonante proche de l’orbite actuelle, la force perturbatrice de Neptune a changé son orbite jusqu’à la «verrouiller» pour toujours dans l’état actuel de résonance.

Pluton paraît une anomalie quand on le compare aux quatre planètes telluriques ou aux quatre planètes géantes. Ce monde glacé ressemble plutôt à un gros astéroïde ou à Triton; certains ont même suggéré que Pluton était un satellite évadé de l’environnement de Neptune.

Les observations dans le domaine infrarouge ont permis d’identifier la présence de méthane à la surface de Pluton. Elles semblent indiquer que la surface de la planète est sombre et rougeâtre à l’équateur et que des zones polaires sont recouvertes de glace de méthane. La brillance de ces calottes polaires évolue à mesure que la distance au Soleil varie. Des phénomènes saisonniers liés à la sublimation des glaces chauffées par le Soleil se développent à la surface de Pluton. En revanche, la surface de Charon ne semble pas contenir de méthane; elle est couverte de glace d’eau.

L’observation de l’occultation d’une étoile de douzième magnitude par Pluton le 9 juin 1988 a mis en évidence une atmosphère autour de Pluton. La lumière en provenance de l’étoile a diminué graduellement à mesure que cette dernière disparaissait derrière Pluton, et non brutalement, ce qui aurait été le cas si la planète était dépourvue d’enveloppe gazeuse. L’atmosphère de Pluton semble contenir du méthane ainsi qu’un gaz plus lourd (peut-être de l’oxyde de carbone ou de l’azote). La pression atmosphérique à la surface n’atteint qu’un cent-millième de la pression atmosphérique terrestre. Les caractéristiques de l’atmosphère de Pluton varient probablement beaucoup au cours des saisons; la pression est maximale au moment où Pluton est proche du Soleil et peut diminuer d’un facteur dix quand Pluton est près de son aphélie.

En 1978, on constatait qu’un agrandissement des photographies de Pluton montrait une image légèrement allongée: un satellite de Pluton venait d’être découvert. Il a été nommé Charon.

L’orbite de Charon est inclinée de 118 degrés par rapport à celle de Pluton dans son mouvement autour du Soleil. Si, comme cela est probable, Charon se déplace dans le plan équatorial de Pluton, alors cette planète, comme Uranus, a son axe de rotation qui est voisin du plan de son orbite. Avec Vénus et Uranus, Pluton est peut-être la troisième planète à être caractérisée par un mouvement de rotation rétrograde sur elle-même.

Au cours de son mouvement autour de Pluton, Charon passe devant et derrière la planète. Ces éclipses et occultations, observées depuis 1985, ont permis de mesurer les diamètres de ces deux corps ainsi que leurs pouvoirs réflecteurs. Charon gravite à environ 19 000 kilomètres de Pluton et a un diamètre de l’ordre de 1 190 kilomètres. Comparé à la taille de la planète centrale (dont le diamètre est de 2 300 km), ce satellite est le plus gros du système solaire! À l’instar du couple Terre-Lune, Pluton peut être considéré comme une planète double: Pluton et Charon ne sont séparés que par huit diamètres plutoniens, la Terre et la Lune par trente diamètres terrestres. La période de révolution du satellite (6,39 jours) serait égale à la période de rotation de Pluton. Pluton et son satellite formeraient alors le seul couple du système solaire en rotation et révolution synchrones; les autres satellites ont en général une période de rotation sur eux-mêmes égale à leur période de révolution autour de la planète – c’est pourquoi ils présentent toujours la même face à la planète centrale –, mais la période de rotation de la planète est différente. L’albédo de Pluton est de l’ordre de 50 p. 100 et celui de Charon de 37 p. 100. Ces deux corps ont une densité de l’ordre de 2. Pluton possède probablement un noyau rocheux et un manteau contenant des glaces d’eau et de méthane. Sa surface est donc beaucoup plus brillante qu’on ne le supposait quand on croyait que Pluton était un corps rocheux.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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